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douceur n’arrivait à cette âme farouche et révoltée qui se défiait des sympathies humaines et refusait de chercher la sympathie divine.

Une après-midi de printemps ou le bonheur était dans l’air… pour les autres, la jeune fille vint, après vêpres, s’écraser dans l’église, lasse à mourir ! Non de la lassitude physique qui lui était familière, mais d’une affreuse désespérance qui la faisait crier d’angoisse.

Elle regardait en avant d’elle… c’était toujours le même isolement, les mêmes humiliations, la même vie végétative qui l’étouffait : en arrière, chaque souvenir qu’elle évoquait était une blessure qui saignait à y toucher… elle aurait voulu ne plus se souvenir, ne plus penser, s’enfoncer dans le néant… ne plus vivre !… Et voilà qu’une tentation monta des profondeurs obscures de son âme, se fit insidieuse et douce, lui présenta la mort comme un repos… ce serait facile… dans le lac profond… on ne douterait jamais de la réalité d’un accident… Personne n’avait besoin d’elle… et Dieu sait si elle n’avait pas besoin de la vie, elle !… La mort ne lui faisait pas peur… bien moins que la vie ! Et l’âme troublée, frémissante, elle se laissait griser, aveugler par la tentation qui la soulevait.

Soudain un coup puissant de la cloche remplit l’église d’un frisson solennel, puis un second, un troisième, et les tintements se suc-