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ter la grosse femme criarde qui l’appelle « face d’Irlandaise » !

Elle suit des yeux la bousculade de la foule de six heures, et elle se demande pourquoi elle est née de parents qui l’ont abandonnée ? Pourquoi, de l’orphelinat anglais, on l’a envoyée au Canada, si frêle, infirme, incapable de se défendre ? Pourquoi, dans ce pays de liberté, elle est une misérable petite esclave ?

Aucun « parce que » ne répond à ses pourquoi ; la foule s’agite toujours, le jour baisse : le cœur gonflé, les yeux remplis de larmes, elle se décide enfin à traverser la rue. Mais elle a mal calculé son élan ; un tramway la frappe, et elle tombe.

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Quand elle ouvre les yeux, longtemps après, elle voit une salle toute blanche et remplie de soleil ; il lui semble qu’une figure douce est penchée sur elle ; vite, bien vite, elle referme les yeux afin de ne pas interrompre un si joli rêve !

Mais on lui parle, on lui fait boire une potion, elle ne rêve pas, et c’est bien la petite Nelly qui est couchée dans ce bon lit et à qui la jolie garde parle si doucement.

Et peu à peu, la mémoire lui revient de la rue ruisselante et encombrée : elle sent encore le choc terrible, elle s’agite…, elle veut questionner, mais on lui ordonne de se taire, de ne penser à rien.

Et une vie nouvelle, douce et vague comme