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le jardin attend : il faut le bêcher, le semer, le planter, tirer les allées au cordeau, tailler les haies. Aussi, la bourgeoise gronde si les jeunesses, grisées par le printemps qui leur fait de l’œil, ne portent pas à ce remue-ménage tout l’intérêt qu’il faudrait.

Je les laisse à leurs occupations et je me promène. Par le chemin qui monte, j’ai marché jusqu’au petit lac où les nuages pressés se mirent en passant. Les érables autour sont déjà tout roses et les vieux pins ont un air rajeuni : le vent, qui les traverse, chante en me voyant la petite complainte que j’aime… c’est bon d’être là encore, comme l’année dernière, comme les années précédentes, depuis toujours, presque !

La douceur du décor familier me pénètre de douceur : j’oublie là les faux décors de la grande comédie humaine, où, trop souvent, hélas, je joue avec ennui mon petit personnage. Devant l’insaisissable infini, je sens profondément que lui seul est réel et que nous sommes fous de l’oublier.

Plus et mieux que jamais, je comprends qu’une seule chose importe : « Laisser grandir son âme et y habiter ».


XXV

La maison fermée


Loin du chemin, presque appuyée sur les deux gros pins qui lui servent de dossier,