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ble tombant goutte à goutte dans les longues chaudières brillantes et vides.

Pendant quelques jours, elle a lutté, contre ce désir d’aller « aux sucres », mais voilà qu’on en parle trop ; les journaux mêmes racontent que les érables coulent tant et plus, et que l’activité est grande dans les bois. Tous les matins, la gelée blanche poudrant les toits et les gazons et fondant au soleil frisquet, lui raconte la même histoire, et un beau jour, elle n’y tient plus, elle part… Hélas, elle en est déjà revenue !

C’est encore plus exquis que mon souvenir, plus charmant que mon rêve ! Croiriez-vous que j’ai trouvé le vrai printemps, sans dégel et sans boue, dans le bois encore tapissé des feuilles de l’automne dernier ? Un soupçon de vert anime les arbres nus ; j’ai vu des pousses minuscules aux branches des sapins ; le ruisseau, débarrassé de sa robe de glace, gonflé et bruyant, court comme un fou entre les rives brunes. Bien à l’abri, j’ai découvert de petites jonchées de mousse, d’un vert si tendre, si velouté, que j’aurais voulu les caresser pour les remercier de reverdir !

Et tout autour, c’est la vie qui frémit, ondoie, bruit en rumeurs subtiles, en frissons tièdes, en gazouillis d’oiseaux qui se répondent, et il me semble que je recouvre ma liberté et que moi aussi je recommence à vivre !

Le père Béchard nous attendait : de loin, nous avions vu la fumée, qui ornait d’un