Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, deuxième série, 1915.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la morte serait près de lui pour le calmer, pour le rassurer, pour lui murmurer son amour qui changeait tout en joie !

Il agonise, il se croit un bourreau, et elle ne peut pas lui jurer qu’elle ne fut pas malheureuse puisqu’elle l’aimait !

Les morts dorment bien, et ils ne savent rien de nous qui ne savons rien d’eux !


XIII

Tristesse


Dans le salon de l’hôtel, où, prête à partir, j’attends l’heure du train, une femme a chanté : une superbe voix de contralto, grave et douce qui va au profond de l’âme pour la remuer toute.

C’est de l’allemand : je ne comprends pas les mots, mais c’est un chant qui souffre. La même phrase revient sans cesse, tendre ou angoissée : les mots, toujours les mêmes, sur des notes, toujours différentes. C’est simple et poignant, comme la douleur enfermée dans un cœur humain, qui en fait le tour, veut en sortir, et ne le peut pas. Ce chant me poursuit et m’obsède durant le long trajet en chemin de fer : il se roule et se déroule, monte à mes lèvres ou descend au fond de mon cœur, pour ramener à la surface, tout ce qui a tremblé et crié dans le mystère du silence. Et ces mots étrangers que je n’ai pas compris ont réveillé des détresses apai-