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affamés de pain ou d’affection ; et à mesure que je prie pour eux, je les vois passer, procession lamentable, marchant vers la mort en se demandant ce que signifie la vie.

Ma pitié va, certes, aux croyants qui implorent du secours, car je sais qu’ils prient parce qu’ils se sentent misérables, mais il me suffit de voir leurs yeux au ciel et leurs mains tendues vers la Vierge, pour comprendre, que d’autres ont plus besoin encore de mes prières.

Ce sont ceux qui cheminent dans la poussière de la terre sans lever les yeux en haut : au bout de la route longue et dure, ils n’entrevoient que le trou profond où descendra leur cercueil. Froids, mornes, sceptiques, ils ont écarté comme des faussetés tout ce qu’ils ne pouvaient comprendre : pour eux, pas de ciel où se reposer de la vie, pas de Vierge tendre et douce qui se penche sur leur tristesse, pas de Christ miséricordieux et tout-puissant qui dise : « Ne t’inquiète plus de ton âme, elle est à moi, je l’ai rachetée avec mon sang ! » Non ! après la vie, la mort ; après la mort… rien.

Ils ont les mêmes fardeaux à porter, les mêmes déceptions à endurer : leurs amis les trahissent et leurs aimés leur sont arrachés, et, dépouillés tous les jours un peu plus de ce qui faisait leur vie bonne, ils s’en vont vers la mort sans l’espoir de retrouver les paradis perdus !

Ce n’est pas assez de prier pour ces plus