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de, et si peu de temps à nous, bien réellement à nous !

Presque toujours, nos journées, vues de loin, paraissent longues et libres… mais quand, le matin, vous entrez dans celle qui commence, vous vous trouvez comme prise dans un engrenage, vos heures ne vous appartiennent plus, tous s’en emparent sans vous consulter, et vous courez de l’un à l’autre, pour votre plaisir ou votre ennui, par amitié ou par charité, tellement accaparée, vous vous appartenant si peu, que vous vous sentez une sorte de marionnette prise, lâchée, reprise au caprice de chacun, et dont les ficelles sont tirées en tous sens et quelquefois en sens opposé.

Eh bien, je crois qu’à vivre longtemps ainsi, si on n’y perd pas la tête, on perd certainement sa sérénité et son contentement.

J’ai été longtemps à découvrir qu’il y a un secret pour ne pas devenir une vraie petite marionnette dépendant uniquement des exigences des uns et des autres, et ce secret, c’est de réserver, chaque jour, ne fût-ce qu’une heure que l’on garde jalousement pour soi. Il faut beaucoup de volonté et de persévérance pour établir votre droit à ces soixante minutes précieuses, mais dès que vous avez convaincu votre entourage de l’impossibilité d’être dérangée à ce moment, toutes les difficultés s’aplanissent : on accepte « votre heure » comme on se conforme aux heures des repas : cela entre dans le cours