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Plus encore que l’homme, la femme est asservie par cette loi de mensonge qui régit la société : il lui est aussi interdit de manifester ses sympathies que ses antipathies, elle doit cacher sous des sourires ses chagrins les plus légitimes ; quand elle voudrait enfermer ses bonheurs ou cacher l’inquiétude qui la ronge, il lui faut recevoir, causer, parader, paraître s’intéresser aux péripéties de l’éternelle comédie humaine, en guettant son tour de donner la réplique.

Et un jour vient, où, se révoltant contre cette hideur du mensonge vécu, elle verse dans des lettres vivantes les seules choses qui comptent pour elle ; elle écrit les mots qui sont la substance même de son âme ; c’est sa vie qui passe là, sur les feuilles blanches.

Mais l’effort de la vérité voulant se faire jour a été vain ! L’orgueil, la réserve, l’éducation tyrannique ont le dernier mot. Tous ensemble, ils soufflent sur la grande lumière et l’éteignent… et la femme déchire nerveusement, en morceaux minusculeuses, son âme vraie, et elle s’en va rire plus loin avec son âme de comédienne !