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atteindre. Et pendant qu’indécise et molle, elle néglige ce qu’elle doit faire pour rêver à ce qui l’attire, le temps s’en va, mobile comme les nuages, instable comme les flots ; il s’en va avec nos jours et nos années, et toujours dans l’attente vaine, dédaignant ce qui est, l’âme humaine sommeille sans voir que bientôt le temps n’existera plus pour elle…

Voilà à quoi je pense en regardant zigzaguer les petites bêtes pressées qui ne se doutent pas qu’elles sont mes professeurs de sagesse, comme d’ailleurs le bon silence et l’isolement bénis de la forêt.

Quelle délivrance nous éprouvons à dépouiller l’être artificiel que nous devenons si facilement en ville ! Fini d’entendre mentir les autres et de mentir soi-même par bienséance, complicité, dédain d’entrer en lutte, lâcheté de dire sa pensée !

Échapper à l’atmosphère de vanité et de médisance où le scandale est le plaisir des conversations, c’est reprendre possession de son âme, de son âme droite et sincère qui laisse arriver à elle la vérité et ose la regarder en face. Regarder en face la vérité de sa vie, qui le pourrait au milieu des grelots, des fanfreluches et des potins mondains ? Et pourtant, quoi de plus nécessaire pour nous sortir de la somnolence où nous berçons notre illusion d’être bons et d’être utiles.

La bonté est essentiellement active, et trop souvent nous sommes satisfaits de ne pas