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airs scandalisés et dignes des bonnes dames bien élevées qui les prennent pour des acteurs tout au moins !

Le bon curé est tout effarouché et nous a recommandé, au prône, de ne pas imiter les gens qui n’ont rien à faire et qui devraient bien profiter de leurs loisirs pour enseigner le savoir-vivre à leurs enfants…

Enfin, tout va cahin-caha, et pour comble, voilà la « société » du village prise de la maladie des « thés » !

Il y en a tous les jours, même le dimanche, et pas moyen de s’en sauver. Si on en a accepté un, on est flambée, tous les autres y passent. Voilà comment je me trouvais, hier, chez Madame X. Dix autres victimes partageaient les gâteaux et l’embêtement. À dix, nous aurions pu nous distraire en causant intelligemment ! On s’est contenté de parlotter sur les chapeaux : ceux de l’hiver dernier, ceux de l’hiver prochain ! Oui, deux heures durant, j’avais envie de trépigner !

Quand j’ai pu me sauver, j’ai couru chez la bonne-femme Novelle… une vieille protégée que je vais voir souvent, car elle est paralytique et passe ses journées seule, sa fille étant en service, quelques heures par jour, chez « du monde de la ville ». Quand j’entre, elle égrène toujours entre ses longs doigts secs un vieux chapelet de bois qui ne la quitte pas. Elle sourit en m’apercevant, baise la petite croix et roule le chapelet autour de son poignet. Elle a une figure paisible,