Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne nous est plus utile. On apprend à être ingénieux en ce sens si on croit à la véritable misère et si on la voit. Tant qu’on ne la voit pas, y croit-on ? Veut-on admettre qu’il y a des gens qui sont affamés et qui n’osent sortir parce qu’ils n’ont pas de chaussures ? Si quelqu’un le dit devant nous, n’essayons-nous pas de nous convaincre qu’ils exagèrent ? Si nous étions vraiment et sincèrement charitables et remplis de bonne volonté au lieu d’être pétris d’égoïsme, nous irions la regarder, cette misère, et je vous l’assure, nous ne pourrions plus l’oublier !

Faire une part de ses biens, ce n’est pas seulement donner de la nourriture et des vêtements aux misérables. Nous avons tant d’autres biens que d’autres n’ont pas ! Nous pouvons prêter nos livres, donner un peu de notre temps, distribuer nos fleurs, faire jouir de notre bonne humeur. Si dans notre cœur nous avons une bonne provision de bonté, pourquoi n’en pas donner à ceux qui mesquinent en se servant de la leur. Vous êtes « en froid » avec une personne, vous ne savez ni l’une ni l’autre où sont les torts, et au fond ils sont insignifiants : c’est à la plus riche en générosité et en esprit d’aller au devant de l’autre, avec une bonté souriante qui déborde et de lui dire : « J’ai eu tort, vous êtes trop bonne pour ne pas l’oublier. »

Mangeons nos radis sans nous lamenter, et ne laissons pas tomber les feuilles sur les chemins poussiéreux ; conservons-les pour