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perron en mordant dans une pomme ! Ses cinq crocs faisaient de la bonne besogne et croquer sa pomme fut l’affaire de quelques minutes. Elle m’en offrit une, en reprit une seconde, et je vis venir un discours de sa façon.

« Moi je connais des gens qui achètent un gros quart de pommes et qui n’en mangent pas souvent de vraies belles. Ils passent leur temps à les trier : ils commencent par manger celles qui sont tachées, puis vite, celles qui amollissent, et quand c’est le tour des plus belles, elles sont amollies à leur tour, et leur baril de pommes leur a donné plus de soucis que de plaisir. J’aime mieux acheter un sac de belles pommes fraîches et fermes et les manger tout de suite, pendant qu’elles sont bonnes. — Ce que vous dites me parait plein de bon sens, fis-je en riant, pour activer le monologue.

— Ben, moi qui n’ai plus qu’à regarder les autres alentour, je trouve que la vie est un peu comme un quart de pommes : on n’en tire pas beaucoup de bon parce qu’on n’a pas assez de bon sens pour jouir des bonnes choses pendant qu’elles sont bonnes.

Ça me rappelle une voisine, la Michon. Elle m’invite, une fois, pour me montrer une belle robe de gros de Naples, c’était beau dépareillé.

— Cré bon ! Vas-tu être faraude là-dedans, à la messe, dimanche qui vient !

— À la messe ! qu’elle crie, vous êtes pas folle la Tofie ! Je serre ma belle robe dans