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ornée de chamarrages de laine ; elle est très décolletée et, des manches courtes, sortent ses bras rouges et ses grosses mains ; une jupe de soie blanche fanée complète l’accoutrement dans lequel cette petite folle balaie, à cette heure matinale, un perron qui est aussi le trottoir : son père est journalier et ses petits frères ne se chaussent que le dimanche.

Elle n’est pas laide, mais elle est ridicule, et elle aurait dû observer chez celles qu’elle veut singer, qu’on ne s’habille pas ainsi le matin et que rien n’est plus comique que la combinaison du costume prétentieux et du balai de blé-d’Inde tenu par la « demoiselle » qui mâche de la gomme.

Par la porte ouverte, on aperçoit la pièce sombre, sale, bourdonnante de mouches et de petits à demi-nus, et vraiment il faut rire en se représentant l’effet des oripeaux soyeux au milieu de toutes ces guenilles pas même propres.

Voilà pourtant ce que peut le séjour à la ville sur le cerveau mal équilibré d’une pauvre fille qui a dépensé le fruit du travail de plusieurs mois pour venir faire la roue chez elle pendant les mois d’été. Elle retournera à l’automne avec de plus gros appétits de vanité et de luxe… où la mèneront ils ?

Je ne risquerais pas une grosse somme sur la solidité de la vertu de cette écervelée ! Cette petite n’est pas une exception : la ville attire la jeunesse des campagnes, l’absorbe