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— C’est l’histoire de Gapit, le plus beau sonneux que j’aie jamais entendu. Il était infirme, Gapit : il était resté tordu et crochi d’une grande maladie qu’il avait eue à dix ans. Il était ben laid et si chétif, que sa mère qui était veuve, malade et pauvre, était obligée de payer pour des services que les petits gas rendent d’ordinaire dans la maison : tirer de l’eau, fendre du bois, le rentrer, soigner les bêtes, etc.

Gapit ne jouait jamais avec les autres enfants, il en avait peur et faut avouer qu’ils le tourmentaient. Il s’était fait ami avec le bedeau, leur voisin, et il le suivait à l’église où il apprit à l’aider à faire les parures des autels ; mais son plus grand plaisir était de le voir sonner les cloches. Quand il fut assez grand, il essayait aussi de tirer sur les cordes, et des fois, que le grand Léveillé avait pris un coup de trop, — ça lui arrivait, — Gapit sonnait tant qu’il pouvait et comme il pouvait ! Ça réussissait mieux pour les baptêmes que pour les funérailles, parce qu’il manquait des coups ou qu’il en sonnait trop, mais c’était tout de même aussi bien que pouvait le faire Léveillé quand il était saoul !

Pendant que Gapit grandissait tant bien que mal, Léveillé buvait que la moitié en était de trop, tant et si bien qu’il en creva. Avant de mourir, — ce qu’il fit dans toutes les cérémonies, — il dit au curé que personne ne pouvait le remplacer si bien que Gapit. Le curé le trouvait bien un peu jeunet, mais