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ramenée vers elle est incapable de se fixer ailleurs.

Cependant la pièce où chacun de nous joue son rôle forcé continue à se dérouler : on attend vos réponses, ou vous regarde agir : on s’étonnerait et on se scandaliserait si vos sourires et vos paroles n’étaient pas d’accord avec le personnage heureux de la pièce que vous représentez. Les jours s’en vont, les saisons changent, mais le chagrin demeure : vos yeux se remplissent de larmes à tout ce qui le rappelle, et le cœur est si lourd, si lourd que vous épuisez vos forces à le porter en vous.

Les années guériront-elles la plaie douloureuse ? Pas dans les âmes profondes où les racines d’un sentiment atteignent le fond même du cœur.

La mort de l’être le plus aimé ne cause pas cette amertume de la douleur, car nous restons étroitement unis à nos morts si nous les gardons de l’oubli.

Non ce qui passe sur le cœur comme un feu dévastateur, laissant derrière lui un désert aride où plus rien ne fleurira, c’est la trahison d’un ami en qui reposait la confiance entière : vous supporteriez peut-être une diminution de son amitié ; vous ne pouvez endurer qu’il soit méprisable ! D’être forcée de lui retirer votre estime est plus douloureux que de le voir s’éloigner de vous.

La sécurité des jours passés vous supplicie, elle reposait sur le mensonge : détours, ruses