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sa jeunesse enfuie. Le mal du pays la tenait jusqu’aux moelles. Et peut-être éprouvait-elle aussi des appréhensions subtiles, des craintes incompréhensibles, tout un malaise sourd dans lequel elle se débattait obscurément comme dans un réseau aux mailles invisibles.

Le vent s’était levé. Ysabau entendait pour la première fois ce ronflement continu de tuyau d’orgue de la forêt dépouillée, une lamentation monotone passant du grave à l’aigu, inlassablement, et parfois des claquements secs comme ceux d’un fouet. Et elle répétait : « Pierre, Pierre, je n’ai plus que toi dans le monde… »

Ils se réveillèrent en hiver. La lumière du soleil et la lumière de la neige inondaient la maison d’une clarté comme Ysabau n’en avait jamais connu, abondante, intense, éclatante.

Pierre sortit. Il attendit un instant dans la resserre où il déposait ses outils ; il entendit Ysabau chanter : toute tristesse avait disparu de l’âme de la jeune femme comme l’eau disparaît d’un linge bien tordu.