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les opiniâtres

Les deux femmes entrèrent dans la maison silencieuse et encore chaude. Ysabau ralluma le feu. Plus grande, d’une beauté irrégulière mais animée par deux yeux noirs d’une lumière intense, Marie s’affairait à de menues tâches autour de son amie. Toute affection, gaieté, bonté, elle révélait maintenant son grand secret ; sous peu, elle épouserait Jacques Hertel. Et alors, comme elle en avait l’habitude, avec son geste de douceur et de joie, elle entourait la taille d’Ysabau de son bras droit.

— Oh ! la ! la ! disait-elle rougissante, je l’aime celui-là.

Et excitées, elles échangeaient des confidences ; car elles éprouvaient l’une pour l’autre l’amitié des êtres dont l’amour a amolli l’âme, l’a rendue ardente, frémissante.

Elles vaquaient en même temps aux besognes du ménage. Montrant des lèchefrites débordantes d’une pâte farineuse, Ysabau raconta à Marie l’histoire du four.

Un soir, à la veillée, Le Fûté en visite avait dit :

— Que diriez-vous d’un four, petite dame ?

— Un four, monsieur Hache ? Je vous ai bien compris : vous avez dit : un four ?

— Je n’ai pas dit autre chose.

— Quand il sera construit, je vous en donnerai des nouvelles.

La figure animée, Ysabau s’était assise en face de David Hache. La conversation dura longtemps. Pierre n’y connaissait rien et Le Fûté se chargea de tout. Il rencontra le taillandier du fort et il lui commanda un bouchoir, des léche-frites et des attisoirs. Il rabota des écouvillons. Avec l’assistance de Pierre, il enfonça dans le sol, non loin de la maison, des pilots de cèdre. Là-dessus, il bâtit une plateforme ; et sur la plateforme, il établit un clayonnage en forme de voûte qu’il recouvrit d’une certaine boue pétrie avec de