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elle donne d’autres biens inestimables : soleil, vent, paysages, aliments frais, eau, forêt.

Pierre aurait pu réciter toute une litanie des biens-fonds. Doué d’imagination, il voyait dans l’avenir, exécuté dans ses détails, le plan qu’il avait conçu : maison longue et large avec le gris de ses pierres, le blanc de ses boiseries, la solidité de ses cheminées ; avec ses jachères, ses pâturages, ses emblavures, ses troupeaux paissants. C’est d’après ce modèle qu’il travaillait.

Ysabau l’avait écouté avec attention. Sans y penser, elle avait passé son bras sous le sien, lui donnant cette adhésion qu’il réclamait. Elle voyait que son amour libérait en lui un flot d’énergie. Il lui dédiait son œuvre.

Mais en même temps, l’ardeur de Pierre l’effrayait un peu : elle contenait trop d’intensité, renfermait trop de hâte. Une tension trop forte animait la volonté. Aussi, elle lui dit :

— Je t’aiderai, Pierre. N’oublie pas que je suis là. Tu ne voudras pas aller trop vite, non plus. Le domaine, je serai heureuse quand il sera tout aménagé. Cependant, en premier lieu, c’est pour toi que je suis venue, Pierre, pour rien d’autre, pour toi, uniquement pour toi.