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les opiniâtres

La première neige tomba en grains de sel. Ils l’entendaient mitrailler les feuilles sèches, crépiter sur les branches. D’instant en instant une blanche rafale passait parmi les troncs gris et la menue grenaille roulait et s’accumulait dans les creux.

Un crépuscule hâtif voila le firmament laiteux où montaient des nuages noirs. Pierre et Le Fûté se hâtaient. À pleines pelletées, ils entassaient de la terre le long des murs de la maison pour empêcher l’infiltration du froid sous le plancher ; ils étoupaient aussi les interstices entre les billes parois de la cabane. Très aigu, l’épais toit d’herbe-à-lien formait une surface onctueuse.

L’obscurité venue, les deux hommes entrèrent. Des billettes de bois sec brûlaient dans la cheminée ; et, au-dessus de chacune, une nappe de feu aspirée du dehors, se tendait, ondulait et claquait.

Une fois le repas absorbé, le silence emplit cet abri sourd comme une casemate. Roulant de lourdes idées dans sa tête, David Hache aurait voulu parler. Mais pouvait-il commencer ainsi, les mains vides, à ne rien faire ? Alors, il s’approcha de l’établi, fureta ici et là, se mit à planer un manche de hache. Et tout en travaillant, les yeux bridés, il disait :

— La cabane est finie.

Les mots signifiaient ; mon engagement est terminé. Un silence. Les deux hommes pensaient. Ils soupesaient ce fait, ils en mesuraient bien les conséquences, sans se presser.

— À une centaine de toises d’ici, au nord, reprenait Le Fûté, tu trouveras une nichée de chênes blancs. En hiver, le soir, on fend des bûches. Le douvain de première qualité se revend bien