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les opiniâtres

rues, l’Iroquois avait repris possession du fleuve.

— Apportez vos mousquets, insista François ; ne vous éloignez pas de la maison ; n’entrez pas dans la forêt ; que l’un surveille pendant que l’autre travaille.

François revint à la maison. Il aperçut Ysabau jardinant dans le courtil, sous le soleil des premiers jours d’août ; elle était séparée du monde par des charmilles de lilas et de pruniers qui, comme des murs verts, enclosaient cette pièce de terre.

— Bonjour, petite maman, et où sont les enfants ?

— Ils jouaient sous le cerisier il y a un moment.

— Ne les laisse pas s’éloigner, petite maman ; garde-les sous tes yeux tout le temps. Apporte ton mousquet quand tu sors de la maison.

— Alors, les Iroquois ?

— J’ai vu des pistes. Soyez prudents. Tu ne peux travailler ici la face contre terre, les enfants jouer Dieu sait où, papa et Jacques courir le défriché quand des ennemis guettent tout près.

— François, je te défends de parler ainsi.

Ysabau avait riposté sans penser. Mais elle comprit tout de suite sa faute.

— Oui, tu as raison, mon François. Pardonne-moi. Mais tu vois, nous sommes tous tellement las de vivre dans la prison des palissades, au milieu de précautions sans fin.

François s’irritait continuellement. Non, bien sûr, la paix n’était pas conclue. Le combat du Long-Sault avait prévenu l’investissement des postes français, rien de plus. L’ancienne guérilla se poursuivait. Les groupes de guerriers ennemis se postaient à l’affût de nouveau autour des postes, des essarts. « Je ne peux surveiller toutes les laies, toutes les coursières, se disait François, je ne peux surveiller des centaines de milles de rivages ».

Il atteignit le wigwam de Koïncha pointant dans une talle d’aulnes sur la berge. Il s’assit