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François découvrit son père dans l’arrachis, c’est-à-dire sur l’emplacement de la maison et des bâtiments futurs. Celui-ci avait creusé une large fosse autour d’une souche ; il y était descendu ; parmi la chevelure des radicelles, il tranchait les racines souples, résistantes, sur lesquelles la hache glissait.

— Vous devriez apporter vos mousquets, Jacques et toi : le pays n’est pas sûr.

— Oui ? demanda Pierre. Il y a du danger ?

— Du danger ? De petits détachements iroquois vont à la découverte des colons isolés, comme autrefois ; l’un d’eux rôde autour des Trois-Rivières. Des Onnontagués ? Nous ne savons encore ni Koïncha, ni moi.

— Nous pouvons rester ?

— Je ne sais pas.

François se présentait avec la volonté d’imposer un retour au fort. Mais il trouvait son père au milieu de ses travaux : fauchaison de fardoches, coupe d’un arbre, ensemencement d’une pièce de terre. Malgré lui, ses avis se traduisaient alors sous une forme moins positive que celle qu’il avait préparée. Il tergiversait. À la fin, il consentait implicitement au séjour. Pierre avait retrouvé un tel contentement dans la poursuite de ses travaux que l’avertissement péremptoire à donner semblait cruauté.

D’autre part, toute prudence avait disparu depuis le combat du Long-Sault. Quittant la claustration des palissades, se délectant à la liberté après des mois de geôle, la population s’abattait dans la campagne comme des volées d’oiseaux. Mais un mois ne s’était pas écoulé que les Agniers avaient reparu, tué deux Algonquins aux portes du fort. Une expédition dirigée par le Gouverneur, n’avait pas donné de résultats : les gabares dispa-