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jour sur ces territoires. François, lui, poursuit d’autres idées.

— Papa, s’écrie-t-il soudain, c’est Pierre Radisson qu’il faudrait mettre à la tête d’une troupe de Sauvages et de Français : en deux ans, il refoulerait les Iroquois dans leur pays : il sait conduire les Indiens, il est plein de ressources.

Mais quelle autorité possèdent-ils l’un et l’autre ?

Le lendemain, François accourt de bonne heure sur la grève. Radisson et Groseilliers arrivent au milieu de la population du poste ; ils s’embarquent sur deux canonnières que des amis ont frétées pour les conduire à Québec. Les embarcations gagnent le large ; puis la flottille des canots se place en formation régulière à l’arrière : montée par cinq cents Sauvages de l’ouest, elle porte pour deux cent mille livres de pelleteries. Un signal : les avirons plongent dans l’eau pendant qu’éclatent les cris de la foule.

François demeure là, fasciné. Il suit des yeux la flotte qui s’éloigne rapidement. Plus que jamais, il est mordu au cœur par un sentiment sauvage : le goût de l’aventure. C’est la maladie de ses moelles. C’est aussi la maladie de cette génération élevée dans la forêt et sur l’eau ; l’appel des étendues retentit dans sa chair et dans son sang ; elle rôde autour du fortin ; elle est remuée du désir de l’existence au grand air, des randonnées sans fin ; le vide du continent exerce sur elle une attraction physique aussi forte que celle qui règne de planète à planète.