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— Une forêt de pins très drue, frérots ; je n’avais rien vu de semblable encore : de gros troncs gommeux, rougis, de même hauteur. Vous vous rappelez s’il a neigé l’hiver passé ? Abondante, collante, la neige s’était accumulée sur les rameaux supérieurs ; elle avait gelé ; il en était tombé d’autre. À la fin, elle formait toit tout en haut. Pendant des jours et des jours, nous avons marché comme au fond d’une cathédrale, entre des piliers. De loin en loin, un arbre était mort, ou bien il s’était brisé : par cette ouverture dans la voûte, comme par une trappe, un jet de lumière nous inondait soudain.

De sa voix dramatique, Pierre Radisson racontait ses aventures ; il ne pouvait demeurer assis ; il se levait et il gesticulait. Alors apparaissait toute sa silhouette étrange. Il n’était pas grand, mais bien découplé, mince, et d’une extraordinaire souplesse. Comme les Indiens, il était vêtu de cuir jaune, portait des mocassins d’orignal ; une lourde chevelure noire lui tombait sur les épaules ; sa ceinture supportait un couteau de chasse engainé.

Le maître de la maison ajoutait une bûche au feu allumé par cette fraîche soirée du milieu de mai ; personne ne le voyait. Tous observaient Pierre Radisson, ce jeune homme de vingt-quatre ans à peine qui, avec son beau-frère, Chouart Des Groseilliers, arrivait d’un voyage d’exploration qui avait duré deux ans.

— Et la plaine. À plusieurs journées de marche à l’ouest du lac Michigan, dans l’ouest, nous avons découvert la plaine. Nous sommes les premiers blancs à l’avoir vue. Imaginez que la mer se fige complètement par une journée de calme ; qu’elle se couvre de végétation ; eh ! bien, voilà les prairies. Un sol uni comme de l’eau, sans un pli, qui se