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les opiniâtres

— Cet été ? Les Iroquois avaient guerre contre un peuple puissant : les Ériés. Ils avaient besoin de tous leurs guerriers et sans délai. Puis, ils n’éprouvent aucune appréhension : ils nous retrouveront juste à l’endroit où ils nous ont laissés ; nous ne fuirons pas ; nous ne serons ni plus nombreux, ni plus forts, nous nous enfermerons toujours entre nos palissades.

François avait prononcé les derniers mots avec un accent d’amertume. Il paraissait plus humilié que son père du discrédit dans lequel la Nouvelle-France était tombée. Il ne s’habituait pas à l’idée des Français torturés.

Un silence régna. Ayant perforé la couche de neige, la braise reposait maintenant sur le sol ; des branches vertes répandaient leur suage ; une lueur rouge, des étincelles, de la fumée jaillissaient de cette cavité. Lorsque Pierre se mettait debout, il recevait sur les épaules une brise glaciale qui transperçait le cuir ; il observait le peuple des troncs noirs vibrant à peine, comme d’énormes câbles tendus ; au sommet, à travers les branches, s’apercevaient la multitude des étoiles aux scintillements bleutés, semblables à des diamants qui feraient jouer leurs feux.

Pierre remâchait les réponses de son fils. Sans s’en rendre compte, il adressait toujours les mêmes questions aux adultes, aux enfants, aux personnes en autorité, aux humbles. Comme aux premiers mois de son séjour, il cherchait constamment une issue à cette chambre de douleur qu’était la colonie ; les mains tendues devant lui, ignorant la force qui le poussait, ainsi qu’un aveugle égaré de nuit dans la forêt, il s’informait d’une ouverture par laquelle son entreprise pourrait se faufiler. Ses interrogatoires constituaient les antennes de sa volonté inconsciente ; elles palpaient, furetaient, exploraient inlassablement, malgré qu’il en eût ; elles s’enquéraient de la lumière du chemin libre ; sans se rebuter, elles s’usaient