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les opiniâtres

— Attendez maintenant, dit Hertel ; nous approcherons en nous dissimulant derrière les arbres.

Pendant que les autres se dispersaient, Ysabau continua sa route, tout droit, sans ralentir.

— Laissez-moi, laissez-moi, s’écria-t-elle, lorsqu’on voulut la retenir.

De son pas rapide, levant haut les pieds chaussés de raquettes, elle gravissait la pente. Il aurait fallu la lier de force. À mesure qu’elle s’élevait, elle voyait monter dans le champ de sa vision la fumée, la cheminée ; puis le toit épais portant comme une frange de cristal les longs glaçons effilés qui gouttaient tout en rutilant au soleil ; elle apercevait le haut des fenêtres et de la porte lorsqu’une détonation claqua et qu’une balle traversa son casque de fourrure.

Pierre alors l’atteignit rapidement et la jeta dans la neige profonde. Elle gémissait : « mes enfants, mes enfants ».

L’escarmouche dura quelques minutes à peine, car de l’intérieur de la cabane Koïncha et le petit François tiraient sans discontinuer. Pris entre deux feux, les Iroquois s’enfuirent, transportant un des leurs mort ou mortellement blessé.

Enfin, Ysabau posa la main sur la clenche. D’un seul effort, elle ouvrit la lourde porte ; après l’éblouissement du dehors, elle ne distinguait rien. Mais comme une aveugle, elle cherchait avec ses mains, et bientôt, oui, elle toucha les têtes douces, les joues satinées. Et, comme en un rêve, elle entendait d’infiniment loin les voix des enfants qui criaient : « Maman, maman ».

Les hommes causèrent un instant au dehors. Hertel interrogea Koïncha. Celle-ci avait surveillé les alentours parce que les Algonquins, en bonne partie, ne croyaient plus à la paix : nombre d’entre eux avaient déjà quitté les Trois-Rivières pour Québec. Vers onze heures, elle avait vu un Sauvage courir d’un arbre à l’autre. Elle avait tiré puis