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de frênes, de bouleaux qui se nichent entre les collines de granit nu, en arrière du fort. Et les autres descendent sur le rivage pour la pêche qui est excellente jusqu’au 20 octobre, puis manque ensuite peu à peu.

Accumuler des provisions de bouche pour l’hiver, voilà l’objet primordial : s’il ne réussissait point, ce serait d’abord la famine toujours menaçante dans les pays du Nord, la faim qui a fait, en de nombreuses circonstances, beaucoup de victimes ; puis ce serait le gaspillage des marchandises de traite en achats de provisions que les Indiens vendraient cher.

Aussi, une fois les canots enterrés pour que l’écorce ne se fendille point en se contractant, Montour divise les hommes en équipes ; et tous les filets sont mouillés, ceux du fort aussi bien que ceux des canots, les neufs aussi bien que ceux qui sont reprisés. Et tout de suite le tollibi, la carpe gigantesque, la truite, le poisson inconnu, vidés et enfilés par la queue dans des brochettes ou des ficelles, s’égouttent, sèchent à la pente, au soleil ; ou bien, suspendus au-dessus d’un boucan, brunissent dans la fumée. Quelques jours encore et l’on pourra conserver le poisson gelé tout simplement.

Montour prend un soin singulier du hangar à poisson ; il le protège contre l’hermine et le foutreau.

Les hommes le regardent agir et ne le comprennent pas tout à fait.

— Nous avons maintenant plus que notre provision d’hiver ; c’est assez, disent quelques-uns.

— Veut-il nourrir une armée ? demandent les autres.

Mais Montour les maintient au travail et ne donne pas d’explication. Visiblement, il a son plan où le poisson jouera un grand rôle, mais quel est-il ?

Une autre entreprise requiert en même temps ses soins. Il observe le milieu déjà organisé où il est arrivé de but en blanc ; il ne s’avance qu’avec prudence, en tâtant le terrain, craignant les maladresses difficiles à réparer.

Dès le troisième jour, il rencontre l’un des vieux engagés du fort qui, les bras croisés, contemple les hommes au travail.

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