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s’éteint, jamais le cavalier ne touchera le but. Avec son esprit clair et direct, il comprend que la mort de McTavish sera le signal de la coalition ; aucun doute ne l’effleure sur ce point. Quelques mois pour régler les détails, et l’union sera bâclée.

Mais Montour ne perd pas tout espoir : la maladie du Marquis peut durer longtemps encore ; la nouvelle de son décès peut tarder à parvenir au Grand Portage ; le répit durera bien deux ou trois mois.

Alors, voilà sa dernière chance. Aussitôt, il entre en campagne. Après avoir attiré l’attention de quelques bourgeoys sur la quantité de peaux de castor qu’il rapporte du lac de la Rivière Rouge, il rappelle que McTavish lui a promis une part ; il fait étalage de ses courts mais fructueux états de service ; il prend même pour acquis qu’il deviendra immédiatement l’un des associés.

Au sortir de l’une des délibérations du conseil, le Bancroche l’aborde.

— Alors, tu veux absolument ta part, cette année, tout de suite ?

— Oui ; elle m’a été promise ; elle m’est due.

« Voilà l’homme que me délègue la Compagnie pour connaître mes vrais sentiments », pense Montour ; et il accepte le duel.

— Simon McTavish n’est plus là ; il dirigeait tout ; les services sont désorganisés. Ne pourrais-tu attendre un peu ?

— Non, ce n’est pas possible.

— Vois : il y a Blake, Cameron par exemple ; ils font partie du personnel depuis plus de quinze ans ; ils ont occupé tous les postes, ils ont rendu de nombreux services, et ils ne possèdent pas encore leur part. Toi, tu n’es à notre emploi que depuis trois ans.

— Ont-ils remporté les mêmes succès que moi ?

— Non, mais la longueur des services doit compter aussi.

— Vous le savez, vous, McTavish m’avait fait une promesse bien nette.

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