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nement britannique et de présents particuliers. Non, ce n’est pas assez. Montour épousera la Prune Rouge ; et le père recevra de beaux cadeaux : trois fusils, une hachette, deux sacs de balles, de la poudre, un miroir, deux barils d’eau-de-vie de neuf gallons, des plumes d’autruche à mettre à son chapeau.

La Barbiche Blanche hésite encore. Montour revient à la charge. Chaque fois qu’il le désirera, la Barbiche Blanche jouira des privilèges d’un Blanc : il entrera dans le fort, lorsqu’il le voudra ; il entrera dans l’appartement de Montour chaque fois qu’il en aura le désir et partagera ses repas.

Le duel entre les deux hommes dure longtemps. Enfin, la Barbiche Blanche dit oui, et la bande, devant la perspective d’une autre boisson, se dit prête à obéir à son chef.

Alors se déroule la cérémonie du mariage. On dépouille la jeune sauvagesse de ses vêtements de cuir ; on lui donne un bain. Elle endosse une chemise de calicot, un jupon vert, une robe de cotonnade bleue, et elle devient la femme du Blanc.

De plus belle, la boisson reprend. À plusieurs reprises, Montour visite la tribu de sa femme ; dans leur furie alcoolique, les Saulteurs se blessent avec les dents, les ongles, des gourdins en feu ; des enfants, des bébés sont ivres. Et le traiteur les examine de ses yeux sans vie.


Enfin, l’heure du départ sonne. Nicolas Montour et William Henry cheminent à cheval sur la rive ; les canots suivent de loin ; puis, en arrière, s’espacent les petites embarcations bâtardes des sauvages qui transportent avec eux toute leur fortune.

Ils remontent le cours de la rivière Rouge. Saules, liards énormes, bois blancs, ormes, chênes et frênes d’un jet robuste couvrent le rivage. Ce pays mouillé révèle une extraordinaire fertilité. Au printemps, la crue des eaux dépose sur les rives une boue argileuse ; les hommes enfoncent jusqu’aux genoux et arrachent avec effort leurs jambes fangeuses et noires. Dans

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