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une couverture ou deux, des alênes…

— Demandez-les au commis.

— Mon crédit est épuisé.

— Et que voudrais-tu faire avec toutes ces choses ?

— Prendre une femme.

— Mais tu en as une déjà.

— Elle m’a quitté.

Montour sait à quoi s’en tenir. Sous le couvert d’un mariage sans cérémonie d’aucune sorte, l’union libre se pratique…

— Bien, Bien… Oui, tu auras ce que tu demandes… Mais ta dette envers la Compagnie s’élèvera un peu.

Montour le regarde sortir d’un œil méprisant. Il le connaît cet individu. Par la luxure, il le tient dans sa main, et il peut lui commander ce qu’il veut. Il tient de même façon les ivrognes, les paresseux, les vaniteux qui aiment à s’accoutrer de colifichets. Dans sa chambre, il les voit venir à lui, les passions, il les voit se confesser, se mettre sous sa poigne.

Et quand elles se cachent, il cherche. Quel jeu plus excitant, avoir prise sur un individu et lui demander d’accomplir ensuite sans discuter ce que l’on désire ? Ainsi Jean Cadotte se dérobe. Après lui, Montour, le commis-interprète occupe le premier poste dans la factorerie. Et Montour voudrait lui enfoncer dans la chair ses griffes d’oiseau de proie. On ne sait jamais : un événement peut se produire, et il aura besoin de donner à l’interprète un ordre qui devra être exécuté sans discussion.

Montour cherche dans les livres, car Cadotte est aussi comptable. Il s’amuse, le soir, à déchiffrer ce grimoire. Est-ce du temps perdu ?… Enfin, il trouve. Les écritures ont été falsifiées. Il convoque Jean Cadotte dans son bureau.

— J’ai étudié ce cahier, dit-il… Il s’y trouve des choses bien curieuses.

— Quoi donc ? demande Cadotte, inquiet.

— Vous verrez vous-même quand vous aurez le loisir… Le 15 décembre de l’année 1799. C’est votre écriture, j’ai comparé.

L’interprète est au désespoir ; il s’attend d’un jour à l’autre

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