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de l’approche de quelques Indiens qui viennent ravitailler le fort rival et troquer des fourrures, Nicolas Montour se porte dès le soir même à leur rencontre. Le plus grand nombre, il les enivre et leur achète à vil prix tout ce qu’ils apportent ; les autres, plus sobres, résistent aux tentations : de vive force, on leur enlève pelleteries et vivres.

Quelques jours après, des Loucheux plus rusés entrent de nuit au chantier des Petits.

Ils ont obtenu leurs crédits de la Compagnie du Nord-Ouest, ceux-là ; mais au lieu de les rembourser, ils portent leurs fourrures aux Petits et les leur vendent. Cependant, au moment où ils rentrent sous bois, quelques voyageurs du fort Providence se jettent sur eux, les battent cruellement et les pillent.

Maintenant, le blocus est parfait. Et Montour laisse la famine accomplir son œuvre et les provisions s’épuiser.

Vers la mi-janvier, Louis Cayen tente une première diversion. Comme les sauvages ne peuvent plus l’atteindre, il essaie d’atteindre les sauvages. Des expéditions, deux ou trois hommes précédés d’un attelage de chiens, s’éloignent à tour de rôle dans la direction de Gros Cap, de la rivière à la Martre, des lacs qui s’échelonnent au fond de la baie du Nord. Elles rejoignent les tribus et, selon le cas, se font reconnaître, ou se donnent habilement comme des engagés de la Compagnie du Nord-Ouest. Sans difficulté, elles obtiennent vivres et fourrures, puis passent de longues journées à vivre du produit des chasses des Indiens.

C’est la dérouine.

Montour a vite vent de la chose. Immédiate, sa riposte vient. Chaque expédition qui part de jour ou de nuit du fort des Petits est suivie d’une expédition semblable qui part du fort Providence. Et les chefs, Montour les choisit parmi ses hommes de confiance : Philippe Lelâcheur, José Paul, Guillaume d’Eau. Ceux-là, il le sait, exécuteront impitoyablement ses ordres.

Par des froids de cinquante ou de soixante au-dessous de zéro, les hommes partent vêtus de costumes esquimaux : deux

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