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IROQUOISIE

dans cette cassette : le Père, pour les désabuser, l’ouvrit et leur fit voir qu’il ne contenait autre mystère que quelques petits besoins dont il pourrait avoir affaire »[1].

Un incident étrange se produit aux derniers moments. Les Agniers pressent le départ des Français. Ils affirment qu’un parti d’Iroquois supérieurs a déjà quitté le pays pour se poster sur le passage du convoi de pelleteries qui doit, cette année aussi, se rendre en Nouvelle-France. Après l’avoir pillé, il descendrait jusquà Montréal ; il se rendrait ensuite au fort Richelieu, et reviendrait en son pays par la rivière du même nom. Les Agniers ajoutent encore que le sort des Français ne leur inspire pas de crainte, mais bien celui des deux Algonquins qui les accompagnent. Le père Jogues donne une réponse très franche. Il s’étonne que les Iroquois supérieurs puissent circuler librement dans le territoire des Agniers. Pourquoi ceux-ci leur donnent-ils cette permission ? Car Onneyouts, Onnontagués, Goyogouins et Tsonnontouans descendraient « les sauts et les chutes d’eau qui étaient du ressort et dans les marches des Agniers »[2]. Ceux-ci répondent qu’ils leur ont donné avis des négociations en cours. « Quoi donc, fit le père, méprisent-ils votre parole ? ne voyez-vous pas qu’on vous imputera tous les désordres qu’ils pourraient commettre ? Ils ouvrirent les yeux à cette raison et promirent d’y apporter un remède efficace. »

Chargés comme des mulets, Jean Bourdon, le père Jogues, les deux Algonquins quittent l’Iroquoisie le seize juin par le sentier de forêt. Au lac Saint-Sacrement, ils se construisent des canots ; et le 27 juin, soit onze jours plus tard, ils abordent au fort Richelieu. Le père Jogues revient avec la conviction qu’il faut ouvrir une mission le plus tôt possible dans le pays des Agniers. Lui et ses confrères crient au miracle : « Car il n’y a point d’industrie ni de puissance humaine qui ait pu changer la face des affaires si soudainement, et nous tirer du dernier désespoir où nous étions réduits ; il n’y a ni présents

  1. Idem, 1646-16
  2. Idem, 1646-17