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IROQUOISIE

été de marbre. Il ne se plaignit jamais, ni ne jeta aucun cri, non pas même un soupir qui témoignât de la douleur. Lui-même s’arrêtait et se présentait à ceux qui plus le voulaient tourmenter, et tandis qu’ils le faisaient, il s’entretenait aussi froidement avec tous ceux qui le voulaient questionner, de même que si c’eut été un autre qu’on eût tourmenté… »[1]. Quelques Indiens seulement atteignent à cette prodigieuse insensibilité ; mais il faut noter qu’en Huronie existe à ce moment une secte secrète dont les adhérents sont insensibles au feu ; une femme marchera dans tous les tisons ardents d’une série de foyers en pleine activité sans montrer après la moindre brûlure aux pieds ou aux jambes.

Durant l’été 1639, un grand guerrier huron, Ahatsisteari, remporte une belle victoire. Il traverse le lac Ontario à la tête d’une flottille. Soudain, il aperçoit une flottille iroquoise plus nombreuse que la sienne. Découvrant son avantage, celle-ci vire de bord et se présente au combat. Les Hurons veulent fuir, mais leur chef s’y oppose. Quand le choc a lieu, celui-ci saute dans une embarcation ennemie qui est une pirogue d’écorce d’orme ; il fend la tête d’un premier Iroquois, il en précipite deux autres dans eau, il y plonge derrière eux en faisant chavirer l’embarcation ; nageur émérite, il poursuit les Iroquois survivants, il les assomme à tour de rôle avec sa massue qu’il n’a pas abandonnée. Effrayés par ces actes d’énergie, les Iroquois fuient. Mais les légers canots hurons sont plus rapides ; ils les atteignent. Les Hurons remportent une victoire complète. Un nombre considérable de prisonniers reste entre les mains des victorieux.

Mais la guerre entraîne les mêmes conséquences déplaisantes. Le temps venu, les hommes des bourgs s’en vont « les uns en traite, les autres à la pêche, d’autres principalement à la guerre »[2]. Et c’est alors que les guerriers ennemis viennent se mettre à l’affût autour des bourgades, dans les taillis, dans la forêt, dans les champs de maïs, et alors la population vit dans les « dangers continuels des ennemis du

  1. RDJ, 1639-76.
  2. Idem, 1639-75.