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IROQUOISIE

États de Bretagne ont protesté : déjà, trop de personnes sont intéressées dans la traite et perdraient les profits réguliers quelles en tirent. Pierre de Chauvin demande la même faveur en 1594 : il a dépêché jusqu’à quatre navires dans le Golfe. Pont-Gravé en a fait autant ; celui-là se rendra jusqu’aux Trois-Rivières pour troquer ses marchandises contre des fourrures.

Une phrase de Champlain ouvre une large vue sur tout le commerce qui se conduit en Nouvelle-France depuis 1540. En 1610, il se présente à bonne heure au printemps à Tadoussac, et voici ce qu’il ajoute : « Le 26 du mois arrivâmes à Tadoussac, où il y avait des vaisseaux qui y étaient arrivés dès le 18, ce qui ne s’était vu il y avait plus de soixante ans, à ce que disaient les vieux mariniers qui voguent ordinairement audit pays »[1]. Champlain affirme donc qu’aucun navire n’est arrivé plus tôt que le sien depuis soixante ans, c’est-à-dire depuis 1550 ; que des navigateurs viennent régulièrement en Canada, et il implique que d’autres venaient avant cette date. Lescarbot écrit également dans ses œuvres une phrase du même genre.

Aussi, quand Champlain débarque en Nouvelle-France, au printemps de l’année 1603, pour inonder de lumière la scène canadienne, il marche sur les pas de nombreux prédécesseurs. Le public n’assiste pas à un commencement, mais à une continuation, à une suite. Les événements dont il est témoin sont les résultantes d’actes antérieurs. D’autre part, Champlain n’est cette année-là qu’un simple observateur, comme il l’a bien précisé lui-même. Il est revenu des Antilles en France ; il a vu le commandeur de Chastes qui lui a demandé s’il n’aimerait pas faire le voyage du Canada « pour voir le pays ». Il a donné son assentiment tout de suite, mais en le subordonnant à la volonté royale ; et le roi a donné ordre à Pont-Gravé « pour me recevoir en son vaisseau et me faire voir et reconnaître tout ce qui se pourrait en ces lieux… » Champlain vient donc comme géographe, cartographe,

  1. Œuvres de Champlain, édition Champlain, v. 2, p. 117.