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IROQUOISIE

1634-1640. En 1615, Champlain parle de 30,000 âmes  ; quelques années plus tard, Sagard établit le chiffre entre 30.000 et 40.000 ; Radison entre 20.000 et 30.000 ; le père Jérome Lalemant parle de 30, 000 ; les pères de Brébeuf et Le Mercier, de 30.000 également. D’autres estimations se fixent entre 30.000 et 35.000. En un mot, les statistiques ne descendent pas en bas de 20.000 et montent jusqu’à 40.000. Si l’on établit une moyenne, on arrive à pas moins de trente mille.

Or, en 1639, les Jésuites dressent un recensement, bourgade par bourgade, de la nation huronne ; et le total auquel ils arrivent est le suivant ; « Il se trouve dans ces cinq missions trente-deux tant bourgs que bourgades, qui comprennent en tout environ sept cents cabanes, de feux environ deux mille, et environ douze mille personnes »[1]. Ce chiffre n’indique pas même toute la vérité. La troisième épidémie, celle de la petite vérole, l’une des plus terribles, éclate alors que le recensement est terminé. Plus tard, le 28 mars 1640, le père Jérôme Lalemant écrira au Cardinal de Richelieu qu’en moins de dix ans, de 1630 à 1640, la population de Huronie descend de 30.000 à 10,000 âmes.

Malgré toutes les pages enfiévrées, envoûtantes, que les Jésuites ont consacrées à ces trois fléaux, les historiens leur ont rarement accordé l’importance qu’elles méritent. Ils n’ont pas vu fondre sous leurs yeux, jour après jour, la coalition laurentienne. Ils n’ont pas compris le grand drame huron : une puissante nation indienne qui se détruit sous la serre de trois épidémies successives. C’est que tout d’abord notre monde moderne, depuis les découvertes de Pasteur, ne connaît plus la puissance ancienne des maladies contagieuses qui ont emporté, autrefois, jusqu’aux deux tiers des populations de certaines villes. L’imagination ne conçoit plus ces grands spectacles de terreur. En second lieu, les missionnaires ont répandu eux-mêmes une cause d’erreur, en attribuant à la guerre, autant qu’à la maladie, l’affaiblissement de la coalition laurentienne. Ils ont

  1. RDJ, 1640-62.