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dans le nid d’aiglons, la colombe
ler, elle en otoit tuot ce quelle pouvoit, pour le travailler en bas ou Etoffes pour ses chers pauvres ; elle paroissoit faire ces choses avec desi grand transport de joye quil étoit aisé de juger quelle navoit point deplus grand plaisir que de les soulager, et que de bon cœur elle se fut dépouillée pour les revêtir ».



Voilà une scène d’autrefois qui ne se comprend plus guère aujourd’hui. Elle enseigne que la recluse savait ouvrer le lin, la filasse, la toile, aussi bien que la laine ; que les tissus étaient rares en Nouvelle-France ; quand ils étaient trop usés, raccommodés, on les effilochait afin de pouvoir les filer et les utiliser de nouveau. Enfin, dans cette opération, Jeanne gardait le meilleur pour vêtir les pauvres, se privant ainsi du nécessaire. Sans doute qu’elle aurait voulu aller nu pieds et nu jambes comme les ermites d’autrefois, mais les froids sibériens ne le permettaient pas. Alors, elle avait eu cette invention, devenue légende, de se servir de feuilles de maïs, — on ne sait si ce sont les feuilles de la tige ou celles de l’épi — pour s’en fabriquer des bas et des souliers, feuilles que retenaient des morceaux de cuir.

Cet incident marque bien que Jeanne s’occupa des pauvres. Malheureusement, les biographes n’ont pas laissé d’autres détails. Ils suffisent. Car, on sait en plus, qu’à sa mort, la riche héritière n’était qu’une déguenillée. On la trouva dans une robe gris blanc, tel que convenu, mais si usée, si rapiécée, si élimée, que les religieuses de la Congrégation ne crurent pas décent de l’ensevelir et de l’exposer publiquement dans un pareil vêtement ; son linge intime n’était pas en meilleur état. Elles se mirent au travail pour l’habiller de neuf. Quelle leçon, mais quelle leçon, dirait Bossuet, pour toutes nos vaniteuses d’au-