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Eh ! mon Dieu, tenez, dans mes romans, on me dit aussi qu’on ne comprend pas... Et pourtant je me crois l’homme le plus platement clair du monde... parce que je mets, je suppose, un mot comme architrave... mais enfin je ne peux pas mettre : L’architrave est un terme d’architecture qui signifie une chose comme ci et comme ça... Il faut que le lecteur sache les mots... Mais ça m’est égal. Critiques et louanges me louent et m’abîment sans comprendre un mot de ce que je suis. Toute ma valeur, ils n’ont jamais parlé de cela, c’est que je suis un homme pour qui te monde visible existe [1] . » Aux bureaux de l' Artiste. C’est le Masson des Hommes de lettres, Théophile Gautier, qui parle aux deux frères. Telle est la fidélité de la sténographie qu’on croit l’entendre et le voir dans sa pose lassée : « Une face pleine, presque lourde, le masque empâté d’un dieu où la divinité dort ; des yeux où une intelligence superbe semble sommeiller dans la paresse et la sérénité du regard ; sur tout le masque une lassitude et une force de Titan au repos [2], p. 82. . »

« Des hommes pour qui le monde visible existe, » voilà définie toute une génération d’écrivains. Hugo a été le colossal initiateur. Le premier, mais vaguement, par la prescience du génie, il introduit dans les vers et dans la prose le chatoiement des grandes toiles ; il est surtout un peintre en poésie, comme Lamartine est surtout un musicien. Dans l’art qui réunit tous les autres, il reste comme cela des inclinations qui pourraient permettre de supposer une vocation antérieure. L’école d’Hugo va outrer cette tendance. La plupart des « bousingots » ont fait un stage dans des ateliers de

  1. Charles Demailly, p. 84 et 85
  2. Charles Demailly