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tant ce grand et beau garçon, ce poète fier de son corps et de son opulente chevelure blonde, inspira plus d’une passion féminine. Il les dédaignait. Les poursuites de Louise Colet, un bas bleu oublié maintenant, durent à elles seules le dégoûter de liaisons qui n’étaient pour lui qu’un délassement. La dame le pourchassa jusque dans son salon de Croisset, et, devant madame Flaubert, lui lança une bûche à la tête ; elle allait l’attendre dans les gares et lui faisait des scènes en public. Une terreur le prit, et, pour éviter ces obsessions, il n’osait venir à Paris que furtivement et s’y promenait en voiture, stores baissés. Il aimait avant tout la tranquillité de son cabinet de travail. Pour lui, la femme était un animal joli, mais qui dérange prodigieusement, et jamais il ne laissa une femme pénétrer en son sanctuaire ; il regrettait ses faiblesses comme du temps perdu. De ce besoin de tranquillité son indulgence pour les filles ; du moment qu’il s’agissait tout simplement d’un besoin physique à satisfaire, il préférait, dans sa jeunesse, une amourette de quelques jours à une liaison qui l’aurait troublé dans sa tâcbe.

Les femmes ont donné à Flaubert beaucoup moins de plaisir que ses amis. Les heures passées à discuter et à culotter des pipes en compagnie de Bouilhet et de M. Maxime Du Camp, plus tard, à Paris, les réunions du dimanche où se donnait rendez-vous toute la jeune école, le diner des auteurs sifflés, Goncourt, Tourguéneff, M. Zola et M. Daudet autour de lui, voilà ses meilleurs souvenirs.

Personne n’a ressenti plus que Flaubert la désespérance de ne pouvoir atteindre à la perfection rêvée. Il faisait et refaisait une page six ou huit fois, et quand il l’avait copiée sur son grand papier de Hollande, il la