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pas bien bonne ; je voudrois que tu m’achetasses de ces lunettes comme j’en avois une paire il y a six mois, non pas d’argent, mais d’acier, qui ont deux branches qui s’attachent à la tête : tu demanderois du n°. 15 ; le marchand sait ce que cela veut dire ; mais sur-tout, je t’en conjure, Lolotte, par mes amours éternelles, envoie-moi ton portrait ; que ton peintre ait compassion de moi, qui ne souffres que pour avoir eu trop compassion des autres ; qu’il te donne deux séances par jour. Dans l’horreur de ma prison, ce sera pour moi une fête, un jour d’ivresse et de ravissement, celui où je recevrai ce portrait ; en attendant, envoie-moi de tes cheveux, que je les mette contre mon cœur. Ma chère Lucile ! me voilà revenu au temps de nos premiers amours, où quelqu’un m’intéressoit, par cela seul qu’il sortoit de chez toi. Hier, quand le citoyen qui t’a porté ma lettre fut revenu : eh bien ! vous l’avez vu, lui dis-je ? comme je le disois autrefois à cet abbé Laudreville, et je me surprenois à le regarder comme s’il fût resté sur ses habits, sur toute sa personne, quelque chose de ta présence, quelque chose de toi. C’est une ame charitable, puisqu’il t’a remis ma lettre sans retard. Je le verrai, à ce qu’il me paroît, deux fois par jour, le matin et le soir ; ce messager de nos douleurs me de-