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rois été un André Dumont et un Laplanche. Mais les lois révolutionnaires, comme toutes les lois en général, sont des remèdes nécessairement subordonnés au climat et au tempéramment du malade ; et les meilleures, administrées, hors de saison, peuvent le faire crever. Prends donc garde, Fréron, que je n’écrivois pas mon numéro 4 à Toulon, mais ici, où je t’assure que tout le monde est au pas, et qu’il n’est pas besoin de l’éperon du Père Duchesne, mais plutôt de la bride du Vieux Cordelier ; et je te vais le prouver, sans sortir de chez moi, et par un exemple domestique.

Tu connois mon beau-père, le citoyen Duplessis, bon roturier, et fils d’un paysan, maréchal ferrant du village. Eh bien, avant-hier deux commissaires de la section du Mutins Scœvola (la section de Vincent, ce sera te dire tout) montent chez lui ; ils trouvent dans la bibliothèque des livres de droit ; et nonobstant le décret qui porte, qu’on ne touchera point Domat, ni à Charles Dumoulin, bien qu’ils traitent des matières féodales, ils font main basse sur la moitié de la bibliothèque, et chargent deux crocheteurs des livres paternels. Ils trouvent une pendule, dont la pointe de l’aiguille étoit, comme la plupart des pointes d’aiguilles, terminée en trefle : il leur semble que cette pointe a quelque chose d’approchant d’une fleur de lys ; et nonobstant le décret qui ordonne de respecter les monumens des arts, ils confisquent la pendule. Notez bien qu’il y avoit à côté une malle, sur laquelle étoit l’adresse fleurdelisée du marchand. Ici, il n’y avoit pas moyen de nier que ce fût une belle et bonne fleur de lys ; mais comme la malle ne valoit pas un corset, les commissaires

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