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CH. VII, DESCRIPTION D’ESNÉ

de la ville nous donnèrent dans ce jardin un repas, que sa singularité, et la franche gaieté qui y régnait, ne nous permettent pas d’oublier : il nous a rappelé très-exactement les descriptions qui nous sont parvenues de ces sortes de fêtes chez les peuples les plus anciens de l’Orient, et nous a mis à portée de juger combien les Égyptiens sont de fidèles conservateurs des usages de l’antiquité.

Tous les officiers de la garnison et les principaux habitans de la ville furent convoqués dans le jardin français. La grande allée, dans toute sa longueur, était couverte de tapis sur lesquels le dîner fut servi. Autour de ces tapis s’assirent à terre, et pêle-mêle, les Français et les musulmans ; et quelque peu instruits que fussent les Égyptiens de la langue française et les Français de la langue arabe, la conversation ne languit dans aucune partie de la table. Le repas consistait en plusieurs moutons entiers bouillis et farcis de riz, en en une multitude de petits plats de sucreries, qui, par leur exiguité, contrastaient avec les mets principaux. Les domestiques, chargés de faire le service, se placèrent de distance en distance, debout, et une jambe de chaque côté de la table : leurs costumes n’étaient point élégans, mais ils travaillaient avec ardeur. Ils se servaient autant de leur doigts que de leurs mauvais couteaux et déchiraient plutôt qu’ils ne découpaient les quartiers de viande : ils les offraient ensuite avec tant d’insistances, qu’il était difficile de les refuser. Le café pris, les convives se levèrent, et les serviteurs du premier rang les remplacèrent immédiatement ; à ceux-ci succédèrent leurs