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CH. V, DESCRIPTION

Voici un mot qui fera mieux saisir cette opposition de la misère et de la magnificence, qui frappe vivement l’observateur, mais que le discours sait mal exprimer.

L’un de nous entra dans une des masures bâties sous la galerie, et vit une famille de Barâbras[1] réfugiés, que la guerre avait chassés de leurs montagnes. Cette masure était une étable, ornée de colonnes et de sculptures, où les hommes, les femmes et les enfans nus logeaient pêle-mêle avec le bétail. Le père raconta que son champ venait d’être ravagé par Oo’smân-bey et Haçan-bey, dans leur fuite au-delà des cataractes. Comme on lui demandait s’il était commodément dans son nouvel asile, pour réponse il montra un bloc de granit qui se trouvait au milieu et qu’il ne pouvait déplacer, et il dit ensuite qu’il n’y avait que cette pierre qui le gênât.

L’intérieur des deux massifs de la façade et les escaliers eux-mêmes sont obstrués de débris dont il est malaisé de deviner l’origine, et cela surtout du côté du levant ; on y pénètre de l’autre côté par une porte qui donne sous la galerie. Dans les chambres, dans les escaliers, on a trouvé des langes, des ossemens et des restes de momies : ce fait curieux a été aussi observé à Philæ[2].

Pour se bien représenter l’état d’enfouissement de cet édifice, il faut se transporter sur les terrasses du temple ; c’est là qu’on aperçoit un petit village bâti de boue, établi depuis des siècles et renouvelé sans doute

  1. Nubiens qui habitent au-dessus de Syène.
  2. Voyez chap. i, §. iv.