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et des environs.

honneurs divins au crocodile. Le poète, emporté par sa verve satirique, et sans égard aux lieux et aux temps, a représenté les gens de Tentyra et ceux d’Ombos comme des peuples voisins qui, à l’occasion de ce culte, se livraient de temps immémorial une guerre à mort ; il a même voulu consacrer à la postérité les détails atroces de cette prétendue guerre, afin d’inspirer de l’indignation pour un culte aussi étrange que celui d'un reptile anthropophage.

Inter finitimos vetus atque antiqua simulias
Immortale odium, et nunquam sanabile vulnux,
Ardet adhuic, Ombos et Tentyra[1].

Mais que penser de cette déclamation poétique, lorsque l’on sait que ces deux villes sont séparées par un intervalle de cinquante lieues ? Déjà d’habiles critiques ont relevé cette erreur grossière ; on l’a même rejetée sur les copistes[2]. Quoi qu’il en soit, il suffit d’avoir un peu étudié la religion égyptienne dans les auteurs qui l’ont mieux connue, tels que Diodore de Sicile, Hérodote, Plutarque, Porphyre, Jamblique, pour être convaincu que Juvénal s’est livré à l’exagération, et que même à

  1. Juvenal. sat. xv
  2. M. Villoteau a fait à ce sujet des recherches curieuses, dont il nous a permis de mettre ici le résultat sous les yeux du lecteur. Dans les meilleures et les plus anciennes éditions de Juvénal, on trouve Combos, et non pas Ombos, que les derniers éditeurs ont introduit dans le texte. Ce mot de Combos vient lui-même de celui de Coptos, altéré par les copistes, qui ont écrit négligemment les deux lettres p et t. Ce qui prouve ce fait, c’est qu’il existe à la Bibliothèque royale un manuscrit très-anciens, où, au lieu de Combos, on lit Copos avec une barre sur l’ o et près du p : il est possible que ce trait d’abréviation ait été originairement placé sur le p lui-même ; ce qui eût indiqué, comme on sait, le t joint au p. Au reste, dans presque tous les manuscrits, ce nom commence par un c.