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CH. II, DESCRIPTION DE SYÈNE

lieue ; largeur est la même que celle du fameux saut de Niagara, mais ces deux cataractes n’ont que cela de comparable ; on sait que la dernière a plus de cent cinquante pieds de hauteur.

Quoiqu’il n’y ait que deux tiers de lieue de Philæ à Chellâl, cependant l’on met plus d’une heure à parcourir cet espace, à cause de la difficulté du chemin. À l’époque des plus hautes eaux, le 15 septembre 1799, je suis parti du village de Gy’ânych, qui est en face de Philæ, pour faire la reconnaissance de la cataracte et en déterminer la position ; j’ai suivi le bord du Nil, qui fait là un grand coude, et ensuite court directement à l’ouest : le rocher occupe presque toujours la rive elle-même ; çà et là, on voit quelques petits espaces de terrain couverts de limon par le Nil, et qu’on a mis à profit pour la culture. Dans le chemin, j’ai remarqué le granit traversé par de larges filons, dont plusieurs se précipitent vers le Nil, sous un angle de quarante-cinq degrés ; d’autres se croisent en divers sens : il y en a qui sont de trois pieds de largeur, en forme de prisme carré, et dont la couleur est un noir mat presque uni. En arrivant auprès du petit hameau ou plutôt des cabanes de Mesit, qui renferment à peine cinquante habitans, on trouve une bande de terre étroite et cultivée en dourah. J’ai vu, au milieu de ces rochers, de pauvres Barâbras qui pilaient du grain et pétrissaient de la farine dans les cavités naturelles du granit. L’accueil de ces Nubiens est si bon, et leur physionomie si gaie, qu’on ne soupçonnerait pas qu’il leur manque quelque chose : leur teint est presque noir ; leur langage est très-chantant et assez