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CH. II, DESCRIPTION DE SYÈNE

aussi grand que celui d’Osymandyas, dont le pied seul, suivant Diodore, passait sept coudées[1]. Qu’on se figure une statue monolithe, d’une matière et d’un poli admirables, et dont la tête aurait pu atteindre à l’architrave de la colonnade du Louvre ; est-ce un ouvrage de cette espèce qui aurait pu disparaître entièrement ? Enfin, n’est-ce pas assez d’un travail aussi gigantesque, sans créer, pour ainsi dire, une seconde merveille ?

C’est non loin de ce bloc que j’ai observé, à travers la montagne de granit, une longue bande ou filon semblable à un magnifique ruban de deux couleurs bien tranchées, c’est-à-dire rose sur les deux bords, et blanc au milieu, et partout d’une largeur égale d’un demi-mètre ou dix-huit pouces. Ce large filon se dirige vers le bassin du Nil par une pente rapide. On y voit le feldspath et le quartz qui le composent, se mêler ensemble çà et là ; quelquefois ce dernier est revêtu de mica doré très-éclatant : plus loin ces trois matières se combinent d’une manière intime, et forment enfin le granit ordinaire. Mais il ne m’appartient pas d’en dire davantage sur toutes les circonstances que l’on remarque dans ces roches primitives, et sur ces transitions brusques des variétés du granit, accidens si curieux à étudier pour les naturalistes[2] ; j’ai voulu seulement donner au lecteur une légère idée de tous ces tableaux de la nature et de l’art, tableaux variés qui rendent les montagnes de Syène si intéressantes pour l’observateur, et qui m’ont vive-

  1. Trois mètres et un quart, ou dix pieds (voyez le mémoire cité plus haut).
  2. Voyez la Description minéralogique de l’Égypte, par M. Rozière.