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Il est évident qu’elle n’a pas la perception large de Shakespeare ni sa sublime imagination. Mais il n’y a pas d’autre écrivain anglais qui possède à un tel degré l’inattaquable logique de Shakespeare ni qui donne l’impression d’une pareille omniscience. Comme Balzac, comme Tourguenief dans ses meilleures œuvres, Jane Austen a l’air de savoir tout ce qu’il importe de savoir sur ses personnages, d’être incapable d’une erreur sur leurs actes, leurs pensées ou leurs émotions. Elle procure l’illusion absolue de la vie réelle ; elle déploie un art si consommé que nous prenons ses tableaux pour la réalité même. Elle ne confond jamais son propre tempérament avec celui de ses personnages, elle n’est jamais dominée par eux, elle ne perd jamais un instant sa sereine et parfaite maîtrise. Parmi les créateurs Jane Austen occupe une place au milieu des plus grands, et cette place est entièrement sienne.

Enfin, M. Edmond Gosse caractérise avec une très fine justesse d’expression la manière de Jane Austen :