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34G OEUVRES D’EMILE DESCIIAMPS. dans son ensemble. Elle demande un art de pantomime et une association de la musique avec les paroles, qu’on obtiendrait difficilement chez nous; et puis certains mots, certains noms que Shakspeare a mis dans la bouche des sorcières, et qui sont caractéristiques et par conséquent très-poétiques, ne semble- raient qu’étranges aux oreilles françaises. Les yeux du lecteur sont moins susccptii)les; la réflexion vient au secours de l’intel- ligence qui peut quelquefois se trouver surprise. J’ai donc ré- tabli dans cette traduction tout le lyrisme extraordinaire, que j’ai cru devoir retrancher pour la représentation, on m’efTorçant de faire rendre aux vers français quelque chose des effets de rhythme et de lugubre harmonie qui abondent si mci-veilleuse- mcnt dans la poésie de Shakspeare. II Page 79. Cherchons quelque retraite obscure, où par les pleurs Sur ce bord étranger nous calmions nos douleurs. Cette scène d’épreuve est neuve, originale et très-philosophi- que, en ce qu’elle fait ressortir dans Macduff la puissance d’un principe sur tous les intérêts. Je ne sais comment j’ai été amené à en changer la grande donnée. C’est une des deux modifica- tions radicales que j’ai hasardées dans mes traductions, comme je l’ai annoncé dans la préface. Je dois au moins compte des raisons qui m’ont fait adopter une autre marche dans la seconde partie de cette scène, que je conduis, pour sa première moitié, comme Shakspeare. Chez moi Malcolm est tout à fait de bonne foi dans sa méfiance, qu’il exprime cependant en termes très-mesurJs et comme craignant d’outrager un vieux guerrier, que le seul soupçon a trop blessé. Mais je m’arrête là, et au lieu des accusations que le jeune prince porte contre lui-même pour éprouver Macduff, c’est Macduff qui prend la parole, et qui, tout en demandant pardon aux mânes de son roi et en pleurant des larmes de sang, tonne avec l’autorité de l’âge et de la vertu contre l’ingratitude du prince exilé, à qui il sacrifiait sa famille, son repos et sa vie. Ses discours ramènent Mal- colm, et la réconciliation s’ensuit. Je crois de cette sorte la scène plus touchante, si elle est plus vulgaire. J’ai voulu ren- forcer l’élémiMit pathétique dans cette terrible tragédie de Mac- beth ; quelques personnes très-versées dans l’art du théâtre m’y ont encouragé.