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FRAGMENTS DIVERS. 287 III. LA VIE DE CHATEAU. Or, quand j’approchai de quinze ans, on me retira du collège, où j’avais eu tous les hivers les talons crevés d’engelures, et la fièvre tierce le reste du temps. Je vous laisse à juger de mes études et de mes récréa- tions! une partie de barres tous les deux mois; un ac- cessit tous les deux ans, telles furent mes joies et mes gloires d’écolier. Eh bien, je regrette souvent ces années de pension. Le maître était si bon! et je rece- vais de si bonnes lettres de mon père!... Je croyais qu’il n’irait jamais au pays d’où l’on n’écrit plus... Bref, je n’avais pas quinze ans, qu’on me retira du collège, tout maigre et tremblant de fièvre. Et me voilà, pour refaire ma santé, dans un grand château près de Blois, chez des parents très-riches, très-hospitaliers et très- gais, toutes qualités qui ne sont guère de la même famille, comme je m’en suis aperçu depuis dans le monde. Il me semble que c’est hier que je suis entré par cette longue avenue de peupliers qui, de loin, avec leurs plumets verts, se tenaient droits et alignés comme un régiment de dragons gigantesques, et pourtant il y a de cela... vous ne le saurez pas, et je voudrais bien ne pas le savoir moi-même. Le château était habité, et on y menait joyeuse vie : c’est-à-dire que jusqu’à cinq heures, tous les hommes allaient à la chasse, et que ces dames se ren- fermaient dans leurs chambres pour étudier leur piano, ou se réunissaient au salon pour broder je ne sais quoi, et faire des histoires bien méchantes contre je ne sais qui, enfin, ce qu’on appelle de bonnes causeries. Puis on montait s’haWller pour le dîner, et, le soir, un vieil ami de la famille faisait une lecture à quatre joueurs de tric-trac qui ne décoléraient pas dans un coin, à huit ou dix chasseurs qui s’étendaient éreintéssur tous les sofas, et à toutes ces dames qui, pour s’encoura-