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n OEUVllliS D’i:.MlLE DESCllAMPS. il ne lui reste de sa fête d’autres souvenirs que cinq ou six taches de punch ou de brioche sur le velours de son meuble. Eh bien, il y avait dans tout cela des femmes charmantes d’esprit comme de figure, d’imagi- nation comme de talent, et fort supérieures à la foule de ces hommes à qui elles cherchent à plaire à force de coquetterie, comme si elles pouvaient jamais être assez coquettes pour eux : fort supérieures même aux femmes de ma jeunesse, ajoutait mon père avec un geste de regret qui voulait dire : Ah! si j’avais seule- ment soixante ans de moins!... » C’est au sortir d’une fête de ce genre-là qu’il me dit : « Je ne mettrai plus les pieds dans un salon. » Et il tint parole, quoique sa vieillesse fût bien jeune encore. Les dames et les demoiselles venaient causer avec lui, dans un cabinet, auprès de son grand fauteuil rouge, et toutes avouaient prendre plus de plaisir dans sa con- versation instructive et brillante que dans le mutisme des lio/is de raout. Cela se conçoit. Certes, il y à quelque exagération dans la peinture des deux époques et des deux salons, telle que mon père la faisait avec ses souvenirs de jeune homme et sa petite misanthropie de vieillard; mais la vérité un peu exagérée est encore la vérité. — Somme toute, nous copions aujourd’hui les fauteuils et les canapés du temps de Louis XIV et de Louis XV, c’est très-bien; si nous imitions quelques-uns des hommes qui s’asseyaient dessus, ce serait mieux.