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L’ENFANT

Tout combattait ma sœur à l’aiguille attachée,
Tout passait en chantant sous ma tête penchée,
Tout m’enlevait, boudeuse et riante à la fois,
Et l’alphabet toujours s’endormait dans ma voix.

Elle était en quelque sorte fortifiée dans son inapplication par sa mère elle-même, qui « se défendait de la faire savante ». Elle déclarait :

L’enfant sait tout, qui dit à son ange gardien :
« Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. »

Aussi devons-nous croire Marceline lorsqu’elle insiste :

Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse !

Dès qu’elle avait été capable d’épeler dans la Bible, elle s’était rangée à l’avis maternel en ne fréquentant guère l’école que pour y apprendre à coudre et à faire, comme ses sœurs, des pelotes superbes. Elle en revenait « ivre de cette joie bondissante qui lui mettait des ailes aux pieds ».

Elle ne perdait pas tout à fait son temps en chemin, d’ailleurs, puisqu’elle dit :

J’appris à chanter en allant à l’école.

« Le filet de voix claire qui sortait de sa bouche était si fin et si juste », que sa grand’mère et sa mère l’avaient fait entendre à M. Mouton, l’organiste de Notre-Dame, pour qu’il donnât à l’enfant si bien douée ses premières leçons de musique.