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L’ENFANT

ces jours difficiles, sans Catherine assidue au rouet et continuant à mettre en écheveaux le lin qu’un marchand venait chercher tous les mois et qui était renommé parmi les tisseurs de batiste du pays ?

Les Desbordes, cependant, devaient donner comme tout le monde des gages de civisme. Un comité local de vigilance dénonçait la négligence d’un grand nombre de citoyens à porter la cocarde tricolore et leur rappelait la loi du 21 septembre 1793, punissant la première infraction de huit jours de prison et déclarant suspects les récidivistes. Mieux encore : les femmes étaient invitées tantôt à ne pas porter des cocardes trop petites, tantôt à ne pas les dissimuler « sous des agréments de toilette ».

Marceline et son père, se conformant à ces prescriptions, avaient assisté à un banquet patriotique organisé soit par la Société populaire, soit par cette Société des Amis de la République une et indivisible qui « pour instruire le peuple » avait donné à ses frais, le 11 août 1798, une représentation de La Mort de César.

Marceline ne s’était pas contentée d’assister au banquet. Elle avait appris, pour la circonstance, un hymne à la Liberté. Et comme elle était charmante en robe blanche et sous un tel flot de rubans tricolores qu’elle avait l’air de porter la cocarde de toute la famille, son succès va sans dire.

Mais il est probable que Félix donnait le change sur ses sentiments véritables et que pour lui, comme pour beaucoup de modérés qui en con-